Jean Chapelon

Jean Chapelon : Poète et auteur méconnu du célèbre "Noël de Lully"

 

Qui était l'abbé Jean Chapelon ?

Jean Chapelon (vers 1648 † 1695) était un prêtre-sociétaire. Il exerçait ses fonctions dans la ville de Saint-Etienne. Sous l'Ancien Régime, le titre de prêtre-sociétaire désignait des clercs vivant en communauté au sein de leurs paroisses, souvent celles où ils étaient nés. Leur rôle était d'y accomplir les mêmes fonctions que les chanoines des collégiales ou des cathédrales. Une tâche centrale de ces prêtres était de chanter quotidiennement l'intégralité de l'office divin, de jour comme de nuit.

Un poète distingué et l'auteur de noëls populaires

L'Abbé Chapelon n'était pas seulement un homme d'Église ; il était également un poète distingué. Son œuvre la plus notable dans ce domaine concerne les Noëls qu'il a écrits spécifiquement pour les enfants de sa ville. Il a composé un total de 32 Noëls en langue française et 10 Noëls dans l'arpitan de sa région. Ce parler est identifié comme le forézien, un dialecte appartenant à la langue arpitane.

Ces textes poétiques utilisaient une technique courante à l'époque : la parodie musicale. Cela signifiait que les paroles de Chapelon étaient conçues pour s'adapter sur des airs connus de tous. L'objectif était de rendre ces Noëls accessibles et facilement chantables. Ils étaient d'ailleurs chantés lors des catéchismes, bien qu'ils n'aient pas leur place dans les offices liturgiques officiels. Les Noëls de Chapelon ont joui d'une popularité certaine à Saint-Etienne, où ils étaient couramment chantés jusqu'au XIXème siècle.

"Avant que rien fut au monde" : Le célèbre "Noël de Lully"

Parmi les nombreux Noëls composés par Jean Chapelon, l'un d'eux a connu une diffusion beaucoup plus large que les autres : "Avant que rien fut au monde". Ce Noël a même continué à être connu et chanté jusqu'au XXème siècle. Sa particularité lui a valu le surnom de Noël de Lully.

Cette dénomination provient du fait que le texte de Chapelon est une parodie du célèbre chœur de l'acte IV, scène 5 de l'opéra Atys. L'air original est celui de la pièce "La beauté la plus sévère prend pitié d’un long tourment". L'opéra Atys a été composé par Jean-Baptiste de Lully (1632 † 1687), surintendant de la musique de Louis XIV, sur un livret de Philippe Quinault.

Le texte de Chapelon adapte donc un air profane populaire de l'époque à un thème religieux lié à Noël. La partition de ce chœur est à trois parties égales et existe en différentes réalisations pour voix féminines (dessus I / dessus II / bas dessus), masculines (haute contre / taille / basse), ou mixtes (bas dessus / taille / basse).

Comparaison des Textes : Chapelon vs. Quinault

Voici les vers composés par Jean Chapelon pour "Avant que rien fut au monde" :

1. Avant que rien fut au monde,
Le Verbe était toujours Dieu
Et sa puissance féconde
N’avait jamais eu de lieu :
Il avait son existence
Dans le sein de l’Eternel,
Avec la même puissance
Etant de même immortel :
Mais l’amour, par sa naissance,
L’a fait devenir mortel.
2. Pour mettre fin à l’offense
Du premier de nos parents,
Il vient sans magnificence
Au terme fixé des temps,
Gouverner dessus la terre,
Souffrir nos infirmités,
Faire une sanglante guerre
A nos sensualités,
Et sans lancer le tonnerre
Essuyer nos cruautés.
3. Mortel qui sens le reproche
Qui s’élève dans ton cœur
Fut-il plus dur qu’une roche
Approche de ton Sauveur,
Vois ce que fais l’innocence
Pour te mettre en sûreté ;
Et promets sans répugnance
D’accomplir sa volonté.

En comparaison, voici les vers originaux écrits par Philippe Quinault pour Atys :

La beauté la plus sévère
Prend pitié d’un long tourment,
Et l’amant qui persévère
Devient un heureux amant.
Tout est doux, et rien ne coûte
Pour un cœur qu’on veut toucher,
L’onde se fait une route
En s’efforçant d’en chercher,
L’eau qui tombe goutte à goutte,
Perce le plus dur Rocher.

Cette juxtaposition illustre parfaitement la technique de parodie musicale où une mélodie existante est réutilisée avec un nouveau texte, transformant ici un air d'opéra profane en chant de Noël religieux.

 

Vidéo du Boston Camerata, qui est un ensemble de musique ancienne fondé à Boston en 1954, au Musée des beaux-arts de Boston.

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