Marguerite d'Oingt : Premiers écrits en langue arpitane au XIIIe Siècle
Figure emblématique de la littérature arpitane, Marguerite d'Oingt (vers 1240 – 1310) s'inscrit parmi les tout premiers auteurs identifiés ayant utilisé notre langue pour l'écrit. Moniale de l'ordre des Chartreux, prieure de la chartreuse de Poleteins près de Lyon, elle a marqué le XIIIe siècle par ses écrits spirituels. Marguerite d'Oingt est reconnue comme la première auteure à avoir couché ses pensées intimes et ses expériences mystiques dans sa langue maternelle, l'arpitan. Son œuvre réfute le cliché selon lequel "la langue savoyarde (arpitane) ça ne s’écrit pas", démontrant au contraire une richesse et une vitalité insoupçonnées de notre langue.
Une vie spirituelle ancrée dans la langue arpitane
Issue d'une puissante famille noble de la région lyonnaise, Marguerite d'Oingt choisit la vie monastique au sein de la Chartreuse de Poleteins. C'est dans ce cadre qu'elle rédige des textes fondamentaux, notamment le Speculum (Le Miroir) et la Vie de Béatrice d'Ornacieux, une autre religieuse. Écrivant également en latin et en français, Marguerite d'Oingt a fait le choix novateur d'utiliser la langue arpitane pour partager ses expériences mystiques et ses visions, ainsi que pour édifier ses sœurs en religion en racontant la vie exemplaire de Béatrice d'Ornacieux. Ces écrits montrent que, dès le XIIIe siècle, notre langue était capable de traduire des concepts complexes et mystiques, loin de n'être apte qu'à décrire les aspects concrets de la vie paysanne, une idée longtemps véhiculée. Son travail est d'autant plus remarquable qu'il s'agit des seuls exemples conservés d'écrits de moniales chartreuses médiévales.
L'héritage précieux d'une œuvre fondatrice
L'œuvre de Marguerite d'Oingt, souvent rédigée dans son "parler lyonnais", est considérée comme la plus connue et la plus longue parmi les "premiers textes" conservés en langue d'oïl antérieurement au XVIe siècle. Ces textes sont présentés dans leur graphie d'origine, offrant un accès direct à la langue telle qu'elle était pratiquée dans la région à cette époque reculée, avec son vocabulaire et ses formes verbales spécifiques. L'intérêt pour ses écrits dépasse le simple cadre linguistique ; ils possèdent une valeur historique et religieuse indéniable. Le pape Benoît XVI lui-même a souligné l'originalité et la qualité de ses écrits en lui consacrant une audience en 2010. Redécouverte et éditée, l'œuvre de Marguerite d'Oingt, dont le manuscrit unique est conservé à la bibliothèque de Grenoble, contribue de manière fondamentale à la valorisation de la littérature savoyarde et de notre langue. Elle prouve qu'une "vraie littérature" a vu le jour en "savoyard" dès l'époque médiévale.
En somme, Marguerite d'Oingt n'est pas seulement la première femme écrivain de Lyon, mais une figure essentielle qui a donné à la langue savoyarde ses lettres de noblesse littéraires dès le XIIIe siècle, ouvrant un chemin précieux pour les générations futures.
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